(Agenda Culturel, December, 2010)
Kamal Kassar affirme avoir beaucoup voyagé en Egypte, en Syrie, en Irak et en Tunisie, à la recherche de cette belle musique, très peu connue. Les enregistrements s’accumulaient progressivement, essentiellement sur cassettes. La providence frappe en 2007, quand il reçoit un coup de fil d’un musicologue en France qui le prévient que la plus grande collection de disques 78 tours de musique arabe est mise sur le marché. Il s’agit de la collection de Abed al-Aziz Anani, un grand historien de musique. A sa mort, ses enfants ont cherché à vendre la collection. Premier acquéreur : la radio israélienne. Mais les médias égyptiens ont eu vent de cette affaire, soulevant un large tollé : notre héritage culturel est en train de disparaître. Les descendants d’Anani ont donc tenté de vendre la collection à des commerçants. Kamal Kassar intervient et, au bout de sept mois de négociations, achète la collection, la ramène au Liban et découvre alors son importance. “Cette collection est unique, elle contient des enregistrements qui ne se trouvent nulle part ailleurs et qui remontent jusqu’en 1903. Elle est le témoin d’une époque dite de l’âge d’or de la musique en Egypte”.
La création d’AMAR. Avec une collection de cinq mille disques et plus de six mille heures de bandes magnétiques, que peut faire un seul homme ? Il faut créer une fondation qui s’occupe de cette mémoire musicale du Moyen-Orient. AMAR voit le jour. Les plus grands musicologues du monde entier sont alors conviés à un séminaire afin de trouver la stratégie à adopter. Et le travail commence. Un travail à plusieurs niveaux : tout d’abord la numérisation ensuite l’archivage, c’est-à-dire l’explication du contexte et de l’environnement historique, puis la diffusion.
Dans les locaux d’AMAR, situés à Kornet el-Hamra, et à l’aide d’un équipement importé de l’étranger, essentiellement du Centre d’archives musicales de l’université de Harvard, spécialisé dans ce domaine, le projet commence à prendre forme, jonché de difficultés. “C’est un travail très technique, laborieux et méticuleux”, explique M. Kassar. Il prend l’exemple de la numérisation de certains disques 78 tours très anciens qui étaient “lus par un sonographe, un phonographe à aiguille métallique qui abîmait le disque. Il faut une tête de lecture spéciale qu’une famille fabrique en Angleterre. C’est là qu’on se les procure. En plus, il y a six différentes têtes de lecture. Il faut les essayer toutes pour trouver la bonne. Et à chaque utilisation, il faut jeter l’aiguille et la remplacer par une autre”.
Puis, il faut aussi corriger la vitesse de certains disques enregistrés à la manivelle dans les années 1930, sans oublier le filtrage qui consiste à enlever tous les bruits extérieurs. Pour l’archivage, il faut consulter plusieurs manuels, des documents d’histoire ainsi que les catalogues des maisons de disques du début du XXe siècle pour pouvoir compléter “notre collection qui s’est enrichie de diverses autres collections achetées dans les trois pays concernés ou prêtées par des particuliers. Le travail risque de prendre des années!”, estime Kamal Kassar.
Et la diffusion alors? Elle constitue le but ultime d’AMAR. Début 2011, AMAR compte produire l’œuvre intégrale (environ cent disques) du premier chanteur à avoir, au début du siècle dernier, enregistré sur un disque, Yûsuf al-Manyalâwi. Un coffret de sept disques, contenant un grand livret explicatif, est prévu. La date choisie pour la sortie du coffret coïncide avec le centième anniversaire de la mort d’al-Manyalâwi et sera accompagné d’un évènement musical. AMAR compte également créer une radio sur le web qui diffusera cette ancienne musique et des programmes explicatifs. Il est possible d’écouter de la musique et de la télécharger gratuitement à partir du site d’AMAR.
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