I ribelli siriani comprano armi da agenti del regime

(Jennie Matthew, Afp). Bachar al-Assad est leur ennemi juré, mais les rebelles qui cherchent à renverser le président syrien n’hésitent pas à payer cher ses agents pour se procurer des armes et des munitions.

Furieux du refus des puissances occidentales de leur fournir les armes lourdes qu’ils réclament à cor et à cris, les nombreux groupes de l’opposition armée expliquent qu’ils n’ont pas vraiment d’autre choix que de remplir les poches de partisans peu scrupuleux d’Assad.

Dans un pays où le service militaire est obligatoire et où des frères se retrouvent dans des camps opposés, parfois contre leur gré dans le cas des soldats, les rebelles assurent qu’il est facile de trouver un “intermédiaire” ou un “vieil ami” pour faciliter les transactions.

“Nous achetons aux espions d’Assad”, explique le major Abou Mahar, en tirant une bouffée de cigarette dans une salle de gym réquisitionnée comme base par son réseau rebelle à Alep (nord). Selon lui, les 200 combattants qu’il dirige mènent des “missions spéciales” contre les forces d’Assad. Mais comme les autres groupes rebelles, ils disposent seulement de mitraillettes, de roquettes anti-chars, de fusils de précision, et de bombes et roquettes fabriquées artisanalement.

Sept Kalachnikov sont suspendues à un crochet et un sceau est rempli de balles dans un coin du bureau d’Abou Mahar, qui surplombe la salle où il y a quelques mois encore des sportifs s’entraînaient. L’homme a fait défection cet été de l’armée de l’air. Et comme d’autres rebelles, il a encore des connaissances dans les forces armées et de sécurité.

Abou Mahar explique que les balles coûtent 110 livres syriennes (1,60 dollar) pièce, s’il se les procure auprès de personnes liées au régime, contre 2 dollars “sur le marché”, en refusant de préciser de quel marché il s’agit. Il affirme que la plupart des balles de son groupe viennent des chabbiha, des miliciens pro-régime. “Nous les achetons auprès d’agents doubles, ils ont besoin d’argent. Le Dieu des chabbiha, c’est l’argent. Ils ne se préoccupent de rien d’autre. Ils seraient prêts à vendre leur mère”, déclare-t-il. “Ils ont un accès libre aux magasins de munitions de l’armée, de la police et des services secrets. Ils font des économies en vue de la chute du régime”, sourit-il dans sa barbe poivre et sel. Néanmoins, il reste évasif sur la fréquence et les endroits où ses échanges se déroulent.

Les rebelles ne semblent pas trop perturbés par l’idée de financer des partisans de leur ennemi. “Ils ont déjà pris notre argent durant les 40 dernières années, notre or, nos esprits, où est la différence?” déclare un membre de l’Armée syrienne libre (ASL), près de la frontière turque. Pour Youssef Aboud, un commandant de la brigade Tawhid de l’ASL, il s’agit d’une question de survie, bien qu’il affirme n’avoir acheté des balles du régime qu'”une ou deux fois”.

“Qu’est-ce que je peux faire? Parfois je n’ai pas assez d’armes ou de balles. Je n’aime pas ça, mais sans ces balles et armes, de nombreux (combattants de l’) ASL seraient morts”, souligne-t-il. Les rebelles prennent aussi des armes sur des soldats tués sur le champ de bataille. D’autres, des militaires ayant réussi à faire défection, ont emmené leur arme avec eux. Montant la garde dans un vieux complexe sportif situé sur la ligne de front à Alep, Mohammed Abou Issam al-Halabi, 49 ans, affirme avoir acheté sa Kalachnikov à de “méchants types du régime” pour 1.000 dollars, quand il a décidé de devenir un “moujahid” il y a huit mois.

“Vous ne pouvez pas acheter cela sur le marché et j’ai besoin d’une arme. Comment faire autrement?” Ancien patron d’une usine, portant une barbe touffue et le foulard noir islamique autour de sa tête, il affirme qu’avant le soulèvement, l’arme n’aurait coûté que 200 à 300 dollars. De l’autre côté de la route, le lieutenant Ahmed Saadeen, 24 ans, ne voit pas non plus d’inconvénient à acheter des armes du régime, critiquant vigoureusement le refus occidental de fournir des armes anti-aériennes et anti-char aux rebelles. “A qui d’autre pouvons-nous les acheter?”, crie-t-il avant de se mettre à courir pour échapper à un tir de sniper. (Afp, 31 ottobre 2012)