Siria, Una società di ex detenuti politici

Yassin al Haj Saleh è un intellettuale siriano che ha provato a raccontare la vita dei detenuti politici “fuori” dal carcere, una volta scontata la pena.

Lui stesso è stato in prigione: ha trascorso più di quindici anni nelle carceri del regime siriano, prima ad Aleppo e poi a Palmira, per la sua militanza in un gruppo di ispirazione comunista.

Se – come analizza nel brano che proponiamo – chi è stato arrestato perché affiliato a un partito di sinistra ha meno difficoltà nel reinserirsi nella società, rispetto a chi invece è stato tacciato di “islamismo”, la paura accomuna tutti gli ex detenuti, anche fuori dal carcere.

Così come tutti incontrano enormi difficoltà per soddisfare i bisogni dei propri famigliari e ristabilire la propria dignità e la fiducia in se stessi.

(di Yassin al Haj Saleh*). Peut-on parler d’une société d’anciens prisonniers politiques en Syrie ? Sans doute, mais en émettant beaucoup de réserves. Le régime a réussi à démanteler cette société et à isoler ses membres par la peur.

Après vingt ans de peur et d’isolement, les liens sociaux se sont dissous, alors que le pouvoir et les services de sécurité sont devenus le passage obligé pour établir des relations entre les membres.

Outre cette peur disséminée dans la société et génératrice d’isolement, il y a chez les anciens détenus une volonté de subvenir aux besoins de leurs proches afin de retrouver leur dignité et leur confiance en eux-mêmes.

Ainsi, les étudiants reprennent le chemin des études, les chefs de famille cherchent du travail. Les plus chanceux s’intègrent dans des projets familiaux ou trouvent un soutien matériel qui leur permet de se relever très vite. Cela nécessite des efforts et du temps au détriment de l’engagement public et des relations sociales. La plupart de ceux qui ont réussi à se préserver moralement sont habités par l’urgence et la nécessité d’accomplir le maximum de choses durant le temps qui leur est imparti. Ce qui ne permet pas de renouer avec les anciens camarades de prison, ni de connaître d’autres gens et d’autres milieux.

On note cependant que ce sont les prisonniers de gauche qui sont les plus enclins à « la socialisation », c’est-à-dire à construire un réseau de relations permettant aux membres d’acquérir l’expérience et les connaissances en vue de fournir aux nouveaux venus un soutien social et moral.

À peu de choses près, les choses se passent comme en prison : les nouveaux sortants profitent de l’expérience et des connaissances de leurs prédécesseurs. Comparés aux islamistes ou aux Ba‘thistes affiliés à l’Irak, ces prisonniers bénéficient, d’une part, d’une plus grande sécurité, donc d’une plus grande liberté de mouvement et, d’autre part, beaucoup d’entre eux se sont intégrés à la vie publique durant les années écoulées et ont exercé le métier d’écrivain, de traducteur, d’activiste politique ou de défenseur des droits de l’homme. Situation qui leur permet de jouir d’un certain degré d’immunité et d’élargir le réseau de leurs relations.

La meilleure preuve de cette immunité relative est qu’aucun de ceux qui ont recommencé à militer activement dans les rangs de l’opposition n’a été à nouveau détenu durant les cinq dernières années. Seules exceptions : Riad al-Turk entre 2001 et 2002 et Muhammad Hassan Dib, libéré en janvier 2006 après avoir passé 8 mois en prison pour avoir diffusé des articles et des tracts hostiles au pouvoir dans sa librairie de Salamiyeh.

Les prisonniers dits de gauche appartiennent à des mondes différents selon leur affiliation politique. Il existait deux partis communistes dont la plupart des membres ont été emprisonnés dans les années 1980. Si les relations sont particulièrement étroites à l’intérieur de chaque formation, il existe néanmoins des liens individuels entre les deux groupes. En revanche, les anciens prisonniers de gauche et les islamistes n’entretiennent presque pas de relations en raison notamment de la différence du mode de vie, des inclinaisons propres à chaque catégorie, du comportement et de la tenue vestimentaire. Si la prison a aplani les obstacles idéologiques et les différences de modes de vie, les contacts restent toutefois limités et rares en réalité. Il n’est pas rare que des anciens prisonniers de gauche passent la soirée ensemble en buvant de l’alcool, en compagnie de leurs épouses ou de leurs amies, alors que les islamistes s’abstiennent de boire de l’alcool et tiennent tout particulièrement à la séparation entre les sexes. Une autre raison à ce comportement est qu’ils sont étroitement surveillés, bien que les ex-prisonniers communistes soient soumis aussi à des pressions diverses.

D’anciens détenus communistes ont réintégré leurs partis ; certains les ont même transformés, inaugurant ainsi une nouvelle ère historique. Ainsi, suite à un congrès tenu en avril 2005, le Parti communiste-Bureau politique a changé son nom en Parti populaire démocratique. Ses membres militent presque au grand jour, sans qu’ils soient inquiétés ni jetés de nouveau en prison. Cela est dû en partie au fait qu’ils ont été réprimés durement, incarcérés des années durant, torturés jusqu’à la mort parfois alors qu’ils n’avaient jamais fait couler une goutte de sang ni dans les rangs des membres du pouvoir ni dans la société syrienne.

D’aucuns ont renoué avec l’espace public par le biais de l’écriture politique et littéraire, publiée sur Internet ou dans les journaux libanais. Les islamistes, quant à eux, ont été écartés de l’espace public et leurs relations sociales se sont limitées à leurs proches et à des milieux très étroits. Il est probable que l’Organisation des Frères musulmans syriens rencontrera à l’avenir des problèmes politiques, dès le retour en Syrie de ses dirigeants, car contrairement aux communistes, on n’a pas offert aux islamistes l’occasion de se frotter aux problèmes pour tenter de les surmonter.

En revanche, ces derniers trouvent plus de facilité à s’intégrer dans la vie active car la société fait davantage confiance à un ancien prisonnier islamiste qualifié de « personne de confiance». Non pas que les communistes ne le soient pas, mais bien des gens préfèrent un modèle de loyauté qui leur est familier et dont le référent religieux les rassure. En vérité, les Syriens respectent en général « les hommes à principes » et notamment leur morale, sans partager forcément ces principes.

(prima parte)                                                                                                                                    (continua…)

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* Il brano è tratto da: «L’univers des anciens prisonniers politiques en Syrie», Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée (dicembre 2006).